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Indie americans

Une exposition Çà & Là / l’employé du Moi / Cultures maison

Interview de Alec Longstreth

Reçue le 29 juin 2018

Biographie

Où êtes-vous né et où vivez-vous aujourd’hui ?
Je suis né en 1979 à Seattle, Washington, où il pleut plus de 300 jours par an. En 1998, je suis allé au collège à Oberlin, Ohio, pas loin de Cleveland. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai passé 4 mois à Los Angeles, puis 4 mois en Californie et 4 mois à Sydney, en Australie. Je suis retourné aux États-Unis et j’ai vécu à Portland, en Oregon, pendant un an avant de déménager à New York en 2004 pour étudier l’illustration au Pratt Institute. En 2008, j’ai déménagé à White River Junction, au Vermont, pour devenir membre du Centre for Cartoon Studies (CCS). J’ai fini par y rester quatre ans et travailler comme membre de la faculté du CCS. En 2012, j’ai déménagé dans la région de la baie de San Francisco et en 2016, ma femme et moi avons déménagé à Santa Fe, au Nouveau-Mexique (où elle a grandi) pour élever nos deux filles. Nous avons acheté une maison ici, il semble que je vais passer le reste de ma vie dans le désert, où il y a plus de 300 jours de soleil par an. C’est bien ici, mais la pluie me manque.

Quelles sont les maisons d’édition “small press” et plus officielles avec lesquelles vous avez collaboré ? Ou avez vous fait de l’auto-édition, avec un nom de structure ?

En 2002, j’ai commencé le comics "Phase 7" qui était la bannière sous laquelle j’ai auto-publié mes bandes dessinées. Ce comics en est actuellement à son numéro 23. À mesure que les éditions originales sont épuisées, je crée des recueil pour l’impression à la demande qui rassemblent des histoires complètes ou des arcs narratifs en un seul volume. J’en ai sorti six. Je n’ai jamais publié aucune de mes bandes dessinées avec un éditeur traditionnel aux États-Unis, et je n’ai actuellement aucun intérêt pour ça. Depuis que j’ai auto-publié mon roman graphique "Basewood" en utilisant Kickstarter (ce qui a été une expérience très positive pour moi), j’ai refusé toutes les offres d’édition et je préfère continuer à m’auto-publier.

En Belgique et en France, "Phase 7" et "Basewood" ont été publiés par L’employé du Moi. Ces titres devaient également être publiés en Espagne chez un éditeur indépendant qui n’a jamais vraiment vu le jour. C’est la vie !

J’ai fait des histoires courtes pour des éditeurs traditionnels (Dark Horse Comics, Three Rivers Press, Villard) et j’ai eu d’autres histoires courtes publiées dans un certain nombre d’anthologies de la "small press" (Hey, Four-Eyes !, Sidewalk Bump, Papercutter, Pencil Fight, Not My Small Diary, Elfworld, etc.)

Comment avez-vous appris votre métier d’auteur ?
Comme la plupart des dessinateurs de BD, je lisais avidement des bandes dessinées quand j’étais enfant (surtout Barks, Hergé et Watterson) et, à un moment donné, j’ai fait mes propres bandes dessinées. J’ai créé mes personnages de "The Tasgucks" au lycée et j’ai dessiné plus de 100 pages, assis au fond de la classe pendant le cours d’allemand (mein Deutsch ist nicht sehr gut). Quand j’avais 20 ans, à l’université, j’ai lu "Understanding Comics" de Scott McCloud. Soudainement, j’ai réalisé la puissance de ce médium narratif et j’ai décidé que je voulais dessiner des bandes dessinées pour le reste de ma vie. Cette année-là, j’ai commencé à dessiner des bandes dessinées hebdomadaires pour le journal des étudiants, et l’année suivante, j’ai dessiné une autre bande dessinée hebdomadaire pour un journal « alternatif ». Quand j’ai obtenu mon diplôme, j’ai commencé "Phase 7" et j’ai continué à essayer de m’améliorer tout seul. Je sentais que je me heurtais à un mur avec mon quatrième numéro et suis allé à l’école d’art pour suivre une formation plus cadrée. Bien sûr, au Pratt Institute, personne ne comprenait la bande dessinée, ce qui fait que je me suis toujours considéré toujours comme autodidacte, bien que le Pratt m’a permis de découvrir beaucoup de techniques utiles (composition, perspective, dessin d’après nature, théorie des couleurs, etc.)

Vivez-vous de votre art, sinon comment faites-vous pour tenir le coup ?
Je ne connais qu’un ou deux dessinateurs qui ne vivent que de leurs bandes dessinées. Je gagne ma vie grâce à une combinaison d’emplois liés à la bande dessinée. Tout d’abord, je travaille en tant que directeur de la diffusion académique du Center for Cartoon Studies (CCS). Je travaille à distance et je fais de nombreuses conférences numériques dans les écoles d’art des États-Unis, faisant connaître le CCS tout en partageant certaines de mes connaissances en BD. Je fais également un journée de présentation du CCS chaque semestre à un endroit différent des États-Unis, et je travaille sur divers projets en ligne pour l’école. Je travaille également en tant qu’illustrateur indépendant pour divers magazines, groupes et organisations pour enfants aux États-Unis. Je travaille aussi en tant que coloriste pour d’autres dessinateurs comme Aaron Renier et Vera Brosgol. Enfin, je donne des ateliers dans diverses écoles à travers le pays et à l’étranger. Environ 10% de mon revenu provient actuellement de mes bandes dessinées : vente de mes minicomics à des conventions et en ligne, impression à la demande de recueils, mon compte Patreon.com (pour mon webcomic "Isle of Elsi"). Tout cela paye les factures.

Auto-édition

Par qui/comment s’est fait votre premier contact avec la scène de l’auto-édition ?
J’ai eu la grande chance de me retrouver, par hasard, à une table de convention avec Nate Beaty lors d’un festival de fanzine, en 2003, à Portland. Nate est un dessinateur, programmeur informatique et concepteur incroyable ! Il m’a présenté à Ezra Claytan Daniels et Aaron Renier, qui, avec Nate, ont été mes premiers vrais amis dessinateurs. Ils m’ont appris beaucoup de choses sur les bandes dessinées et l’auto-édition. Je suis toujours proche d’eux aujourd’hui et je suis reconnaissant de les avoir eus dans ma vie pendant tant d’années.

Pourquoi avez vous décidé de vous auto-éditer ?
J’aime l’immédiateté de l’auto-édition. Vous venez avec une idée, vous la dessinez, vous la faites imprimer, vous l’envoyez dans le monde. C’est l’une des formes les plus pures de l’expression artistique, sans beaucoup de commentaires éditoriaux inutiles ou de préoccupations commerciales. En tant que dessinateur, vous avez un contrôle total sur le livre - si c’est génial, c’est à cause de votre travail, si c’est horrible, c’est aussi à cause de vous ! J’aime l’auto-édition et j’en ferai jusqu’au jour de ma mort.

Quelle est la meilleure partie dans l’auto-édition ? Fabriquer le récit, fabriquer le livre, la rencontre avec le public, la participation à une communauté ?
Je pense que ce que je préfère, c’est de participer à la communauté et de rencontrer le public. J’ai illustré un livre pour l’un des plus grands éditeurs aux États-Unis - le cinquième livre d’une série, avec un tirage ÉNORME - il était dans chaque librairie, chaque bibliothèque, je l’ai vu dans les aéroports - qui sait combien de centaines de milliers d’exemplaires il a vendu. Et pourtant, je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui l’ai lu. Jamais un "c’était cool !" ou "J’ai détesté ça" ou "comment as-tu dessiné ça ?" ou n’importe quel commentaire. C’est complètement impersonnel - le lecteur a acheté le livre dans un magasin, ou en ligne, et il n’a aucune idée de la personne qui se trouve derrière ces dessins.

Mais quand je publie moi-même un comics avec un tirage de seulement 500 exemplaires, quelqu’un me l’achète lors d’un festival, ou le commande sur mon site Web et je le mets dans une enveloppe et je l’envoie par la poste. Le lecteur sait que je l’ai fait et l’ai mis entre leurs mains. A chaque numéro, j’ai des dizaines d’échanges avec mes lecteurs : des lettres, des courriels, des notes sur les médias sociaux, des gens qui viennent me voir à un festival pour me dire ce qu’ils ont pensé de l’histoire. J’aime être dans une pièce géante remplie d’un tas d’autres personnes qui font leurs propres bandes dessinées et les exposent au monde. Ils sont comme ma famille artistique.

Quelle est votre meilleure expérience d’auto-édition ?
Il y en a trop à raconter ! Chaque fois qu’il y a une nouvelle commande dans ma boîte mail, ou que quelqu’un dépense son argent durement gagné pour acheter une de mes bandes dessinées lors d’une convention, je lui en suis profondément reconnaissant. La capacité de raconter n’importe quelle histoire et de la partager avec les gens est un sentiment incroyable. Je veux juste pouvoir continuer à faire ce que je fais actuellement.

Est-ce que l’auto-édition vous coûte de l’argent, vous rapporte, ou a un bénéfice nul ?
J’ai franchi avec "Phase 7" le seuil de rentabilité pour ce qui est de couvrir les frais d’impression. Mais si vous comptez les centaines (ou les milliers !) d’heures de travail que nécessitent la création d’un livre, alors non, je ne gagne rien avec mes bandes dessinées. Mais comme l’a dit le poète Robert Graves : « Il n’y a pas d’argent dans la poésie, et il n’y a aucune poésie dans l’argent ».

Êtes-vous un éditeur ou un distributeur pour le travail d’autres personnes ? Si oui, comment est-ce arrivé ?
En 2017, j’ai lancé "Phase Eight Publishing" et publié "A Process of Drastically Reducing One’s Expectations" de Gabby Schulz (alias Ken Dahl), un recueil de 400 pages. Au fil des années, j’ai développé mes compétences en matière de conception de livres et ça ne présente pas de difficultés ni beaucoup de travail de mettre en page un livre pour l’édition en print-on-demand. Je ne peux sortir qu’un livre par an, maximum. C’est essentiellement de l’auto-édition par procuration. Je veux surtout travailler avec mes amis et essayer de sortir un travail qui pourrait ne pas voir le jour si je ne le publias pas. Mon but est d’inverser le modèle d’édition traditionnel (90% -95% conservé par l’éditeur, 5% -10% donné à l’auteur, APRÈS que leur avance soit remboursée). Je fais une répartition de 90/10 avec le créateur, celui-ci gardant la plus grande partie de l’argent, le reste servant à me payer un peu et couvrir les frais (ISBN, tirage initial, etc.). J’ai prévu environ cinq projets, allant des livres d’illustration aux fanzines en passant par des recueils de bandes dessinées, et on verra bien comment ça se passe ...

Quel rôle joue les salons et les conventions de micro-édition dans votre pratique de l’auto-édition ?
Depuis 2002, je fais 4 à 6 festivals par an. C’est un super moyen de rester en contact avec la scène du minicomic, voir les anciens amis, s’en faire de nouveaux, promouvoir son travail et puis découvrir de nouvelles villes aux Etats-Unis, au Canada ou à l’étranger. L’année où j’ai publié "Basewwod", j’ai fait 14 festivals et j’ai frisé le burnout. A tel point que j’ai mis un an à m’en remettre. Depuis que j’ai des enfants, je ne fais plus qu’un ou deux festival par an. Je préfère me focaliser sur l’un ou l’autre événement et en profiter à fond ! On verra bien à combien de festivals je pourrai aller lorsque mon prochain livre sera publié, maintenant que j’ai deux enfants. Mais il y a bien un jour où les enfants seront assez grands pour que l’on puisse faire ce genre de choses tous ensemble, en famille.

Gardez vous une archive de vos fanzines ? Comment les conserver-vous ?
Oui, j’ai des boîtes noires d’archives (pas de lumière, sans acide, etc.) avec le premier et le dernier exemplaire de chacun de mes numéros, ainsi que des copies de mes livres, etc. Je donne aussi des copies de chaque numéro et de mes livres à la bibliothèque Schulz au CCS, pour une sauvegarde au cas où ma maison brûlerait.

Où imprimez-vous vos fanzines ? Est-ce que vous passez par un imprimeur ou chez un copy-shop ?
Chaque fois que je déménage, c’est un processus complet de recherche de nouveaux imprimeurs. J’effectue habituellement des impressions tests dans divers magasins de photocopie et chez des imprimeurs, puis j’obtiens des devis pour comparer quand un nouveau numéro est prêt. J’ai eu un imprimeur incroyable dans la région de la baie - la plus haute qualité et des prix vraiment bon marché. Chaque fois que je dois imprimer un numéro à Santa Fe, je grince un peu des dents en pensant à la Californie.

Est-ce que vous lisez beaucoup de zines et de mini-comics ?
Je dirais que la plupart des bandes dessinées que je lis sont des zines et comics auto-édités. Quand je suis à une convention, j’essaie vraiment de faire le tour et d’acheter beaucoup de bandes dessinées et de faire des échanges avec autant de personnes que possible. J’ai enseigné au CCS pendant 8 ans (dont 4 ans à distance), donc à n’importe quel convention, j’ai une poignée d’étudiants dont je veux rattraper le travail. A la maison, j’ai des piles massives de lecture en retard de tous ces super fanzines. J’essaie de les lire dans l’ordre où je les ai reçus, et je fais toujours un gros effort de lecture avant de partir à une convention afin que la pile ne devienne pas encore plus grosse à mon retour !

Est-ce que vous pensez que votre pratique de l’auto-édition est lié à votre situation géographique ? à l’organisation du marché de la bande dessinée aux USA ?
Ugh, la scène de la bande dessinée à Santa Fe est si déprimante ! Je ne connais que deux autres auteurs dans tout l’état du Nouveau-Mexique et ils vivent tous les deux à Albuquerque (une heure en voiture, et je n’ai pas de voiture !). C’était tellement amusant et excitant de vivre dans des endroits comme Portland, Oregon ou Brooklyn, New York, où il y a une scène de bande dessinée dynamique et active. Vous apprenez tellement plus parmi d’autres auteurs, et il y a une couche supplémentaire de motivation parce que les gens autour de vous créent constamment de nouveaux trucs. Maintenant, je ne ressens plus ce sentiment que lorsque je suis à une convention, entouré des locaux et des gens qui ont voyagé pour y venir.

Beaucoup de dessinateurs profitent des conventions pour finaliser leurs projets, pour pouvoir les présenter au salon. J’ai des abonnés pour "Phase 7", donc je suis pas dépendant de ces deadlines. Chaque fois que j’ai un nouveau numéro, je l’imprime et l’envoie à plus de 200 personnes. Je peux le faire de n’importe où - et je l’ai fait de n’importe où ! Ha ha.

Edition

Quel a été votre premier éditeur ? Connaissaient-ils votre travail grâce à l’auto-édition ?
L’employé du Moi ! Le dessinateur belge David Libens a trouvé mes comics dans un magasin de BD de New York et les a ramenés à Bruxelles. David les a montrés à Max de Radiguès et lui et moi avons démarré une correspondance et échangé des comics. Max m’a lancé l’idée de rassembler des récits issus de "Phase 7" dans un livre, et comme je n’ai aucun moyen de m’éditer à l’étranger (et en français, en plus !), j’ai accepté avec joie ! Nous n’avons jamais signé de contrat ou quoi que ce soit. Ils ont traduit le livre, j’ai tout re-lettré à la main, et ils ont fait imprimer les livres. Je suis venu à Angoulême en 2009 pour promouvoir le livre et c’était ma première fois en Europe, une expérience qui a changé ma vie. J’aime tellement tous ces gars-là ! C’était une expérience tellement positive. Je voudrais pouvoir visiter l’Europe plus souvent. J’ai besoin de faire un autre livre qui puisse être traduit ! Ha ha.

Avez-vous continué à autopublier depuis ? Pourquoi ?
Ici, aux États-Unis, je ne vois aucune raison de faire publier mon travail. J’ai imprimé 2000 exemplaires de "Basewood" et grâce à l’aide généreuse de mon collègue Chris Pitzer chez AdHouse Books (un petit éditeur), j’ai pu entrer dans le système de distribution directe (qui le place également sur Amazon.com). Je l’ai également vendu sur mon site. Il a fallu quatre ans pour écouler la totalité du tirage, et maintenant j’ai mis en place une édition imprimée à la demande qui sera toujours disponible. Chaque page de bande dessinée que j’ai jamais dessinée est imprimée et disponible ! Si ce même travail était publié de façon traditionnelle, il pourrait être épuisé et ne plus être disponible.

Allez-vous continuer à auto-éditer dans les prochaines années ?
Absolument ! Je peux toujours changer d’avis, mais pour l’instant, je n’ai pas l’intention de publier mes bandes dessinées aux États-Unis via le circuit des grandes maisons d’édition. Beaucoup de mes amis auteurs ont publié des romans graphiques avec les plus grands éditeurs, et la plupart d’entre eux ont eu une expérience horrible. Trop souvent, les livres ne reçoivent pas le soutien éditorial et promotionnel approprié parce que le personnel est trop dispersé et qu’il y a trop de livres. Si un éditeur dépasse 52 livres par an, cela ne représente qu’une semaine par livre ! Oublie ça !

Plutôt que de me focaliser sur ma BD comme principale source de revenus, ce qui m’obligerait tout à coup à m’assurer que tout ce que je fais est 100% commercialisable par mon agent ou mon éditeur (et cela sans aucune garantie de succès ! ), je veux juste continuer à faire ce que je fais déjà. Créer les histoires que je veux faire et les diffuser. Si quelque chose que je crée a un succès populaire et que j’ai besoin de passer au niveau supérieur de l’impression et de la distribution, je retrousserai mes manches et trouverai comment faire ça. Pour l’instant, j’aime travailler dans mon petit coin de la communauté américaine de la bande dessinée.

Pour vos livres qui sont passés de l’auto-édition à l’édition, quelles questions de remontage ou de format se sont posés ? Comment voyez-vous la relation entre les deux ?
Je sais que je devrais me pencher bien plus sur la fabrication de mes comics, mais je ne le fais pas. Ils n’existent que pour mettre mes bandes dessinées entre les mains des gens. Même le comics le plus crasseux de nos jours est imprimé sur du papier bien meilleur que le papier journal sur lequel ils étaient imprimés quand j’étais petit ! Les livres à la demande que je publie moi-même, ne sont pas non plus excellents en termes de qualité. Ils ont une couverture grasse et le papier n’est pas terrible. Mais je n’ai pas à stocker des cartons de livres, il n’y a pas de commande à exécuter. Je n’ai rien à faire : quelqu’un commande un livre, l’entreprise l’imprime et l’expédie, je reçois un peu d’argent sur mon compte. Donc, la qualité médiocre du livre vaut le coup au vu de ce compromis.

Mais quand je suis vraiment fier d’un projet, comme "Basewood" que j’ai mis 11 ans à terminer, je mets le paquet. Ce livre était surdimensionné (9 "x 12", 22,9 cm x 30,5 cm), couverture rigide, avec papier couverture texturé, titre embossé, gardes en pantone, papier intérieur épais, belle impression offset - et avec un prix de seulement 17 Euros environ. Si un éditeur traditionnel avait fait le même livre (ce qui ne serait pas le cas, car très peu d’éditeurs américains se soucient de la qualité de production de leurs livres), il aurait coûté deux fois plus cher. Les gens prennent "Basewood" et disent "Whoa ..." parce que c’est un bel objet, puis ils voient le prix et l’achètent très facilement.

Je suis en train de planifier mon premier recueil de "Isle of Elsi", mon webcomic fantasy pour enfants, et ce sera mon premier projet imprimé en couleur. Je voudrais qu’il soit d’une qualité similaire. Je suis impatient de lancer le Kickstarter l’an prochain, en 2019.

L’exposition

Vous pouvez nous parler des travaux que l’on peut voir dans l’exposition ?
Il y a quelques pages de "Basewood", qui sont très grandes et détaillées (c’est pourquoi j’ai mis tant de temps à le terminer !). Il y a aussi une séquence de "Summer Stock", une histoire courte qui était dans Papercutter #6, une anthologie publiée par mon ami Greg Means, chez sa maison d’édition Tugboat Press. C’est une de mes séquences préférées sur la façon dont mon ami Dan et moi avons changé un décor quand nous étions machinistes sur une production de The Music Man. Il y a aussi quelques pages de mon histoire "Transition" sur ce jour fatidique où j’ai lu "Understanding Comics" de Scott Mc Cloud pour la première fois et qui a changé ma vie pour toujours. Enfin, il y a l’introduction au recueil "Phase 7", publié par L’employé du Moi, qui raconte l’histoire de David Libens découvrant mes bandes dessinées et les montrant à Max de Radiguès. Hormis les pages de "Basewood", toutes les autres apparaissent dans le recueil "Phase 7" publié par L’employé du Moi. J’aimerais pouvoir voir l’exposition ! J’espère que tout le monde l’appréciera.

{{{Biography}}} {{Where were you born, and where do you currently live ?}} I was born in 1979 in Seattle, Washington where it rains 300+ days a year. In 1998 I went to college in Oberlin, Ohio, outside of Cleveland. After graduating I spent 4 months each in Los Angeles, California and Sydney, Australia. I returned to the USA and lived in Portland, Oregon for a year before moving to New York City in 2004 to study illustration at Pratt Institute. In 2008 I moved up to White River Junction, Vermont to be a Fellow at The Center for Cartoon Studies (CCS). I ended up staying there for four years and working as a member of the CCS faculty. In 2012 I moved to the San Francisco Bay Area and then in 2016 my wife and I moved out to Santa Fe, New Mexico (where she grew up) to raise our two daughters. We bought a house out here so it looks like I’m going to spend the rest of my life in the desert, where there are 300+ days of sun a year. It’s nice here, but I do miss the rain. {{What are the "small press" and more official publishing houses with which you have collaborated (if you have a web page containing this information, just give us the link) / Or did you self-publish under your own name or using a label?}} In 2002 I started Phase Seven Comics, which was the banner under which I self-published my comics. My minicomic Phase 7 is currently up to issue #023. As the minicomics go out of print, I create print-on-demand collections that bring together storylines or arcs of issues into single volumes. I have put out six of those. I’ve never published any of my comics with a traditional publisher in the USA, and currently have no interest in ever doing so. Ever since I self-published my graphic novel Basewood using Kickstarter (which was a very positive experience for me), I have turned down all publishing offers and prefer to continue self-publishing. In Belgium and France I have been published by L’employé du Moi (Phase 7, Basewood) and in Spain, I was supposed to have those same titles come out from an indie publisher that never really got off the ground. C’est la vie ! I have done some short comics for traditional publishers (Dark Horse Comics, Three Rivers Press, Villard) and I have had short comics in a number of small press anthologies (Hey, Four-Eyes!, Sidewalk Bump, Papercutter, Pencil Fight, Not My Small Diary, Elfworld, etc.) {{How did you learn to be a cartoonist ?}} Like most cartoonists, I read comics avidly as a kid (mostly Barks, Hergé and Watterson) and at some point crossed the line into drawing my own comics. I had these characters The Tasgucks in high school and drew 100+ pages in my junior year (11th grade), sitting in the back of my German class (mein Deutsch ist nicht sehr gut). When I was 20 in college, I read Scott McCloud’s Understanding Comics and suddenly I realized the power of this storytelling medium and decided that I wanted to draw comics for the rest of my life. That year I began drawing weekly comics for the student paper, and the following year I drew another weekly comic for the “alternative” paper as well. When I graduated, I began Phase 7 and continued to try and improve on my own. I felt like I was hitting a wall by my fourth issue and went off to art school to get some formal training. Of course at Pratt no one understood comics, so I still consider myself to be self-taught, though obviously I picked up a lot of useful techniques in art school (composition, perspective, figure drawing, color theory, etc.) {{Do you make a living from your art, if not how do you manage to earn a living?}} I only know one or two cartoonists who make a living solely from their comics. I make a living through a combination of comics-related jobs. For my “day job” I am the Director of Academic Outreach for The Center for Cartoon Studies (CCS). I work remotely and do a lot of digital class visits to art schools around the USA, spreading the word about CCS while also sharing some of my comics knowledge. I also do one CCS portfolio day event somewhere in the USA each semester, and work on various online projects for the school. I also work as a freelance illustrator for various children’s magazines, bands and organizations here in the USA. I also work as a colorist for other cartoonists such as Aaron Renier and Vera Brosgol. I teach workshops and intensives at various schools around the USA and abroad. About 10% of my income currently comes directly from my comics: selling my minicomics at conventions and online, print-on-demand collections, my Patreon.com account (for my webcomic Isle of Elsi). All that other stuff pays the bills. {{{Self-publishing}}} {{Who / how was your first contact in the self-publishing scene?}} I had the great good fortune to be randomly assigned half of a convention table shared with Nate Beaty at the 2003 Portland Zine Symposium. Nate is an incredible cartoonist, zinester, computer programmer and designer. He introduced me to Ezra Claytan Daniels and Aaron Renier, who, along with Nate, were my first real cartoonist friends. They taught me so much about comics and self-publishing. I am still close friends with them all today and I’m so grateful to have had them in my life for so many years. {{Why did you decide to self-publish?}} I love the immediacy of self-publishing. You come up with an idea, you draw it, you get it printed, you send it out into the world. It is one of the most pure forms of artistic expression, without a lot of unnecessary editorial input or commercial concerns. As the cartoonist you have complete control over the book - if it’s great, that’s because of your work, if it’s horrible, that’s also on you! I love self-publishing and will do it ‘till the day I die. {{What is for you the best part in self-publishing? Making the story, making the book, meeting with the audience, participating in a community?}} Of all those, I think my favorite is participating in the community and meeting with the audience. I illustrated a book for one of the biggest publishers in the USA - the fifth book in a series, with a HUGE release - it was in every bookstore, every library, I saw it in airports - who knows how many hundreds of thousands of copies it has sold. And yet, I have never once heard from anyone who has read it. Never a “this was cool!” or “I hated this” or “how did you draw this?” or any interaction whatsoever. It is completely impersonal - the reader bought the book in a store, or online, and they have no concept that an actual person drew all those pictures. But when I self-publish a minicomic with a print-run of only 500 copies, someone either buys it from me at a convention, or they order it from my website and I put it in an envelope and mail it to them. The reader knows that I made it and put it in their hands. With every issue I get dozens of interactions from my readers: letters, emails, notes on social media, people coming up to me at a convention to tell me what they thought of the story. I love being in a giant room filled with a bunch of other people who are making their own comics and putting them out into the world. They really feel like my artistic family. {{What is your best self-publishing experience?}} Too many to count! Any time I see a new order in my inbox, or someone spends their hard-earned money to buy one of my comics at a convention I am deeply grateful. The ability to tell any story I want and share it with people is the best feeling. I just want to be able to continue doing what I am currently doing. {{Does self-publishing cost you money, do you make a profit, or do you simply break even?}} I break even on Phase 7 in terms of selling enough issues to cover the printing bill. But if you count the hundreds (or thousands!) of hours of work that go into creating a book, which you should, then no - I do not make a profit on my comics. But as the poet Robert Graves once said, “There’s no money in poetry, but then there’s no poetry in money, either.” :) {{Are you a publisher or a distributor for other people’s work? If so, how did you come to it?}} In 2017 I launched Phase Eight Publishing and published A Process of Drastically Reducing One’s Expectations by Gabby Schulz (aka Ken Dahl), a 400-page collection of his diary comics. Over the years I have built up my book design skills to the point where it is not much work for me to layout an entire book for print-on-demand publishing. I can only put out one book a year, maximum. It’s basically self-publishing by proxy. I mostly just want to work with my friends and try to put out work that might not see the light of day unless I do the work for the author. My goal is to invert the messed-up traditional publishing model (90%-95% kept by the publisher, 5%-10% given to the author, AFTER their advance is repaid). I do a 90/10 split with the creator keeping most of the money, and me getting a small slice to try and eventually recoup my time and some of the initial costs (ISBNs, initial print run, etc.). I have about five projects planned, spanning from picture books to zines to comics collections, so we’ll see how that all goes…. {{What role do comics conventions play in your self-publishing practice?}} Since 2002 I’ve done about 4-6 conventions a year. It’s a great way to connect with the minicomics scene — see old friends, make new ones — promote your comics, and explore different cities across the USA, Canada and abroad. The year that I self-published Basewood I did 14 shows and got really burned out. So much so that I actually took the whole next year off! Ever since I had kids, I’m down to 1 or 2 shows a year. I’m enjoying focusing my energy on just a few events, and really having a great time on those weekends. We’ll see what happens when my next big book comes out and how many shows I can manage, while not leaving my wife at home struggling with two small children. Hopefully someday when the kids are a bit older we can all head out on the road together and make it a big family adventure. {{ Do you keep an archive of your fanzines? How do you preserve them?}} Yeah, I have archival black boxes (no light getting in, acid-free, etc.) with the first and last copy of each of my issues, plus copies of my books, etc. I also donate copies of every issue and book to the Schulz Library at CCS, for a backup in case my house burns down. {{Where do you print your fanzines? Do you go through a printer or at a copy shop?}} Every time I move it’s a whole process tracking down a new printer. I usually do some test prints at various copy shops and printers, and then get price quotes to compare when a new issue is ready. I had such an amazing printer in the Bay Area - the highest quality and really cheap prices. Every time I have to print an issue in Santa Fe I cringe a bit and remember how good I had it back in California. {{Do you read a lot of zines and mini-comics?}} I would say that most of the comics I read are self-published zines and minicomics. When I’m at a convention I really try to go around and buy a lot of comics and trade with as many people as I can. I taught at CCS for 8 years (4 years remotely), so at any convention I will have a handful of students whose work I want to catch up on. So at home I just have these massive piles that I’m always trying to get through, of all these great minicomics and zines. I try to read them in the order I got them, and always make a big reading push before I head off to my next convention so that the pile doesn’t get even bigger upon my return! {{Do you think that your self-publishing practice is related to your location? How does it fit (or not) in the organization of the comics market in the USA?}} Ugh, the comics scene in Santa Fe is so depressing! I only know two other cartoonists in the entire state of New Mexico and they both live in Albuquerque (an hour away by car, and I don’t own a car!). It was so fun and exciting living in places like Portland, Oregon or Brooklyn, New York where there is a vibrant, active comics scene. You learn so much being surrounded by other cartoonists, and there is an extra layer of motivation because people all around you are constantly creating new work. Now I only tap into that feeling when I am at a convention, surrounded by folks from that town, and the people who have traveled to that convention. Lots of cartoonists rush before a con to get their projects done, so it can debut at the show. I have subscribers for Phase 7, so I have always operated outside of that system a bit. Whenever I have a new issue, I print it and mail it out to 200+ people. I can do that from anywhere - and I have! Ha ha. {{{Edition}}} {{Who was your first publisher? Did they know your work through self-publishing?}} L’employé du Moi ! The Belgian cartoonist David Libens found my minicomics at a comic shop in New York City and brought them back to Brussels. David showed them to Max de Radiguès and he and I struck up a correspondence, writing letters and trading minicomics across the Atlantic. Max pitched me the idea of collecting a bunch of Phase 7 material into a book, and since I have no way of creating a book overseas (in French no less!) I happily agreed. We never signed a contract or anything. They translated the book, I re-lettered everything by hand, and they got the books printed. I came to Angoulême in 2009 to promote the book and it was my first time ever in Europe, which was a life-changing experience for me. I love all those guys so much! It was such a positive experience. I only wish I could visit more often. I need to make another book that can be translated! Ha ha. {{Have you continued to self-publish since? Why?}} Here in the USA, I see no reason to have anyone publish my work for me. I got 2,000 copies of Basewood printed, and through the generous help of my colleague Chris Pitzer at AdHouse Books (a small press publisher) I was able to enter it into the direct market distribution system (which also places it on Amazon.com). I also sold it through my site. It took four years to sell out the entire print run, and now I set up a print-on-demand edition of the work which will always be available. Every page of comics I’ve ever drawn is in print and available! If this same work was traditionally published it could go out of print and then be unavailable. {{Will you continue to self-publish in the next few years?}} Absolutely! My feelings may change someday, but for now I have no intention to ever traditionally publish my comics in the USA. So many of my cartoonist friends have been published and have graphic novels out with major publishers, and most of them have a horrible experience. Too often books don’t receive the proper editorial and promotional support because the staff is spread too thin, putting out too many books. If a publisher gets above 52 books a year, that’s only one week per book! Forget that! Instead of putting all this financial pressure on my comics as my main source of income, where suddenly I have to make sure everything I do is 100% marketable for my agent or my editor at some publisher (and even then there’s no guarantee of success!), I want to just continue doing what I’m already doing. Creating the stories I want to make and putting them out into the world. If something I create becomes popular and I need to move up to the next level of printing and distribution, I’ll roll up my sleeves and figure out how to do that. For now I enjoy operating in my small corner of the American comics community. {{How have you handled the transition of your works from mini-comics to books, in terms of format and reassembling? How do you see the relationship between both objects?}} I know I should care more about the production of my minicomics, but I just don’t. Those exist just to get my comics into people’s hands. Even the crummiest minicomic these days is on waaaay better paper than the newsprint that stuff was printed on when I was growing up! The print-on-demand collections that I self-publish are also not great in terms of quality. They have a greasy cover stock and the paper is only so-so. But I don’t have to store any boxes of books, there’s no order fulfillment; I don’t have to do anything - someone orders a book, the company prints it and ships it to them, I get a bit of money in my account. So the mediocre quality of the book is worth it to me for that tradeoff. But when I’m really proud of a project, like Basewood (which took me 11 years to create), I go all out. That book was oversized (9” x 12” which is like 22,86 cm x 30,48 cm), hardback, with textured cover stock, debossed title, one-color pantone endpapers, thick interior paper, beautiful offset printing - and with a cover price of only .99 USD (~17 Euros). If a traditional publisher did the same book (which they wouldn’t, because very few American publishers care about the production quality of their books) it would cost twice as much, because they have to pay their staff of editors, the warehouse space for the books, their office space, etc. etc. etc. People pick up Basewood and go, “Whoa…” because it is a beautiful object, and then when they see the price it is a very easy sell. I’m in the process of planning my first collection of {Isle of Elsi}, my fantasy webcomic for kids, and it will be my first full-color, offset printed project. I would like it to be of a similar high quality. I am excited to hopefully launch the Kickstarter next year (2019). {{{The exhibition}}} {{Can you tell us something about the work that can be seen in the exhibition?}} There are a few pages from Basewood, which are very large and detailed (which is why that book took so long to create!). There is also a sequence from Summer Stock, a short story that was in Papercutter #6, an anthology published by my friend Greg Means, through his Tugboat Press. It’s one of my favorite sequences about how my friend Dan and I did a scene change as stagehands in a production of The Music Man. There are also some pages from my story Transition about that fateful day when I read Understanding Comics for the first time and my life was changed forever. Lastly is the introduction to my Phase 7 collection published by L’employé du Moi, which tells the story of David Libens discovering my comics and showing them to Max de Radiguès. All the non-Basewood pages appear in the Phase 7 collection as well, translated into French. I wish I could see the exhibit! I hope that everyone enjoys it.