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Indie americans

Une exposition Çà & Là / l’employé du Moi / Cultures maison

Interview de Gregory Benton

Reçue le 18 juillet 2018

Biographie

Où êtes vous né et où vivez-vous aujourd’hui ?
Je suis né et je vis à New York. J’ai passé une partie de mon adolescence dans cette banlieue paumée qu’on appelle le New Jersey. De plus, j’ai passé une année très importante artistiquement à Prague quand c’était encore la Tchécoslovaquie.

Quelles sont les maisons d’édition “small press” et plus officielles avec lesquelles vous avez collaboré ? Ou avez vous fait de l’auto-édition, avec un nom de structure ?
Çà et là (FR) et Adhouse Books (USA) pour mon livre B + F. Je me suis auto-édité sous plusieurs labels : Publishing (ca.1995-2011), Hang Dai Editions (2012-2016) et actuellement Aleo Press. J’ai eu des travaux publiés par Fantagraphics, Vertigo, DC Comics, United Plankton (Spongebob Comics). J’ai fait mes débuts dans l’anthologie de bande dessinée politique World War 3, Illustrated. Au milieu des années 2000, j’ai même dessiné des planches pour des manuels scolaires !

Comment avez-vous appris votre métier d’auteur ?
La première fois que j’ai vu une bande dessinée, je devais avoir 5 ou 6 ans (c’était un numéro de Captain America combattant Crâne Rouge), je me suis dit : "C’est comme ça que les gens devraient se parler". Pas de dialogues, mais des histoires racontées à travers des images. Je suis rentré à la maison ce soir-là et j’ai dessiné ma propre bande dessinée Captain America versus Crâne Rouge. Mais j’ai commencé sérieusement au lycée en allant à des conventions de bande dessinée et en discutant avec des artistes. Pour mes études universitaires, je suis allé à la Rhode Island School of Design (RISD) dans le département illustration. Il n’y avait pas de cours de BD à l’époque, mais il y avait un groupe d’étudiants intéressés par la bande dessinée comme forme d’art. Nous formions une sorte de club : nous dessinions, échangions des idées et mangions des spaghettis carbonara cuisinés par un autre étudiant, Jason Lutes. Il a rassemblé plusieurs anthologies regroupant nos bandes dessinées sous le titre Penny Dreadful. C’était peu de temps avant que les gars de Fort Thunder n’arrivent au RISD et secouent le monde du comix alternatif.
Après mes études universitaires, j’ai vécu à Prague et y ai illustré deux des journaux anglais de la ville, The Prague Post et son rival Prognosis. J’ai beaucoup appris en voyant mon travail imprimé semaine après semaine. Cela m’a aidé à reconnaître ce qui était bon dans mon dessin et ce qui ne l’était pas, en terme de qualité de reproduction. Pendant tout ce temps, je faisais des mini-comics là-bas. Je crois que mon premier livre en accordéon fait à la main "CRAZY" est présenté dans l’exposition. Il a été fait à Prague. À mon retour aux États-Unis, j’ai commencé à faire des illustrations pour The Village Voice, The New York Times et à dessiner des bandes dessinées pour "World War 3 Illustrated" et DC Comics.

Vivez-vous de votre art, sinon comment faites-vous pour tenir le coup ?
Aux États-Unis, il est extrêmement difficile de vivre uniquement des bandes dessinées que j’aime faire. Alors que la forme artistique est en plein essor, l’industrie est réticente à soutenir tout ce qui n’est pas mainstream, c’est-à-dire du comic de super-héros, basé sur une série télévisée ou une franchise. Cela dit, cela peut faire partie de votre "catalogue de savoir-faire", à côté de choses comme l’enseignement (j’enseigne le dessin à la Parsons School of Design à New York), de cours magistraux, le dessin animé, l’illustration ou les bandes dessinées de commande. De mon côté, j’ai aussi eu la chance, jusqu’à récemment, de travailler dans l’entreprise familiale.

Auto-édition

Par qui/comment s’est fait votre premier contact avec la scène de l’auto-édition ?
Il y avait un groupe de gens : Robbie Busch, Stephen DeStefano, Evan Dorkin, Mark Badger et Kyle Baker. Ils avaient un gang (Robbie était un camarade de lycée qui m’a présenté les autres) et ils m’ont toléré comme mascotte presque tous les jours. Nous avons auto-publié une anthologie photocopiée intitulée "Toy Piano". Plus tard, ils ont réalisé une mini-série pour Dark Horse, "Instant Piano", qu’ils m’ont laissé profaner avec une page dans le dernier numéro. Trouvez-la, il y dedans de la très bonne bande dessinée indé du début des années 1990.

Pourquoi avez vous décidé de vous auto-éditer ?
DIY or Die ! C’était le seul moyen d’obtenir de montrer du travail personnel au début. Lorsque vous vous rendez compte que tout ce dont vous avez besoin est une machine Xerox ou une sérigraphie (ou une imprimante couleur / Risograph ces jours-ci), le monde est à vous. Faites ce que vous voulez, quand vous le voulez.

Quelle est la meilleure partie dans l’auto-édition ? Concevoir le récit, fabriquer le livre, la rencontre avec le public, la participation à une communauté ?
Bien que j’adore dessiner, c’est pour moi la partie la plus difficile ! Avant de commencer à dessiner, je réfléchis à ce que sera le format du livre : accordéon, piqûre à cheval, plié d’une page, sérigraphie, peu importe. Après le dessin, j’aime la phase presque méditative de l’ingénierie, l’impression et l’assemblage du livre.

Quelle est votre meilleure expérience d’auto-édition ?
Cela doit être le MoCCA Arts Festival de 2013. J’ai réalisé un « mini-comic » surdimensionné (environ 25x38cm) de 20 pages appelé B + F pour le festival. Il a remporté le prix d’excellence du festival de la Society of Illustrators. Chris Pitzer d’Adhouse Books avait un stand de l’autre côté de l’allée. Nous avions essayé de faire un projet ensemble pendant des années et il a aimablement ajouté "B + F" à sa liste. J’avais toujours prévu de continuer l’histoire, alors nous avons accepté de faire une version développée ensemble. Chris en a parlé à Serge Ewenczyk des éditions çà et là, et Serge a eu la gentillesse d’inclure "B + F" à son programme éditorial également.

Est-ce que l’auto-édition vous coûte de l’argent, vous rapporte, ou a un bénéfice nul ?
Calculé sur le long terme, c’est probablement tout juste rentable. Mais cela dépend de l’année et du projet. Ces jours-ci, dans les festivals, je rembourse au moins mes dépenses, parfois j’achète une nouvelle paire de chaussures pour mon gamin.

Quel rôle jouent les salons et les conventions de micro-édition dans votre pratique de l’auto-édition ?
J’essaie d’avoir quelque chose de nouveau pour chaque convention. Si je ne peux pas avoir un mini-comic fait pour l’occasion, je vais au moins fabriquer un portfolio ou des cartes postales ou des badges… quelque chose lié à mes comix.

Gardez vous une archive de vos fanzines ? Comment les conservez-vous ?
Je n’archive pas tous mes mini-comics. Si je vends tout pendant un salon, je ne garde pas toujours une copie pour moi.

Où imprimez-vous vos fanzines ? Est-ce que vous passez par un imprimeur ou chez un copy-shop ?
J’essaie d’imprimer et d’assembler les livres moi-même dans mon atelier. Il y a des cas où je les envoie dans une imprimerie. Par exemple, le livre "CROMAG" qui se trouve dans l’exposition, a la forme d’un livre pour enfants. Je ne serais pas capable de le faire moi-même, alors dès le début, l’idée était de le faire imprimer à l’extérieur.

Est-ce que vous lisez beaucoup de zines et de mini-comics ?
J’échange beaucoup de mini-comics lors de conventions et je les apprécie tous !

Est-ce que vous pensez que votre pratique de l’auto-édition est lié à votre situation géographique ? à l’organisation du marché de la bande dessinée aux USA ?
D’après ce que je sais, il y a peu de place pour les bandes dessinées et les zines auto-édités dans la hiérarchie traditionnelle des librairies spécialisées bandes dessinées ou chez les librairies généralistes. Heureusement, à New York, il existe plusieurs magasins qui embrassent le genre et y sont très favorables.

Edition

Quel a été votre premier éditeur ? Connaissaient-ils votre travail grâce à l’auto-édition ?

Mes premières bandes dessinées publiées l’ont été dans le magazine "World War 3 Illustrated". J’ai été assistant du dessinateur Peter Kuper. Il m’a pris sous son aile et m’a donné l’occasion de participer à son anthologie de bande dessinée politique. Lorsque j’ai passé un entretien pour le poste avec Peter, une grande partie du travail que je lui ai montré, était des mini-comics, ainsi que des illustrations que j’avais faites pour des journaux à Prague, pour le New York Times et The Village Voice. Peu de temps après, j’ai commencé à travailler pour DC Comics sur leur série de livres "Big Book". J’ai eu ce job en montrant aux éditeurs des mini-omics, des pages faites pour "World War 3 Illustrated" et des dessins. Mon premier album, "HUMMINGBIRD", a été publié par Slave Labour Graphics en 1996.

Avez-vous continué à autopublier depuis ? Pourquoi ?
Toutes mes créations démarrent parce qu’il y a du plaisir à créer ces livres, vraiment. Je n’ai pas d’autres attentes.

Allez-vous continuer à auto-éditer dans les prochaines années ?
Absolument.

Pour vos livres qui sont passés de l’auto-édition à l’édition, quelles questions de remontage ou de format se sont posés ? Comment voyez-vous la relation entre les deux ?
J’essaie d’apporter mon esthétique de l’un à l’autre. J’ai un style idiosyncratique, donc je ne pense pas pouvoir l’empêcher de se répandre dans toutes les disciplines.

L’exposition

Vous pouvez nous parler des travaux que l’on peut voir dans l’exposition ?
Tout ce travail a été fait pour l’amour de la bande dessinée, de l’art et ce besoin de créer quelque chose. Que je trouve ou non un public ne constituait pas une préoccupation majeure pour moi, même si, naturellement, j’espère toujours que les gens apprécieront mon travail. Les pages présentées dans "FORCE OF NATURE" et la première version "mini-comic" de "B + F" étaient des commandes que je m’étais passé à moi-même. Le plus important est de sortir l’idée de ma tête et de l’atelier. Je pense que je partage ça avec de nombreux artistes de cette exposition.

{{{Biography}}} {{Where were you born, and where do you currently live ? Did you move to other significant places in between ?}} I was born and live in NYC. Spent some years in the suburban teenage wasteland that is New Jersey. Plus, a very important year or so, artistically, in Prague back when it was still Czechoslovakia. {{What are the "small press" and more official publishing houses with which you have collaborated. Did you self-publish under your own name or using a label?}} Editions çà et là (FR) and Adhouse Books (USA) for my book B+F. I’ve self published under a few labels: Page 14 Publishing (ca.1995-2011), Hang Dai Editions (2012-2016) and currently Aleo Press. I’ve had work published by Fantagraphics, Vertigo, DC Comics, United Plankton (Spongebob Comics). I cut my teeth on the political anthology World War 3, Illustrated. I had a stint in the mid 2000’s drawing comics as part of educational textbooks! {{How did you learn to be a cartoonist ?}} The first time I saw a comic book as a little kid of 5 or 6 years old (it was an issue of{ Captain America fighting The Red Skull}) I thought to myself “This is how people should talk to each other”. Not the dialogue, but telling stories through pictures. I went home that night and drew my own Captain America versus Red Skull comic. But I started in earnest in high school by going to comic conventions and talking to artists. For university I went to Rhode Island School of Design (RISD) for illustration. There were no comics classes offered at the time but there was a group of us interested in comics as an art form. We would get together for cartooning salons: we would draw, exchange ideas and eat spaghetti carbonara cooked by fellow student Jason Lutes. He put together several comics anthologies of this work under the title {Penny Dreadful}. This was shortly before the Fort Thunder guys came to RISD and turned alternative comix onto its head. After college I lived in Prague and did illustration for two of the English language papers there, The Prague Post and its rival Prognosis. I learned a lot seeing my work in print week after week. It helped me recognize what was good in my drawing and what wasn’t, as far as reproduction goes. All the while I was making mini-comics there. I believe my first handmade accordion book CRAZY is on display in the exhibit. This was done while in Prague. After I came back to the USA, I started doing illustration for The Village Voice and The New York Times and drawing comics for World War 3 Illustrated and DC Comics. {{Do you make a living from your art, if not, how do you manage to earn a living ?}} In the USA it is extremely difficult to make a living solely from the comics I enjoy making. While the art form is thriving, the industry is loathe to support anything that isn’t mainstream i.e., superhero or based on a tv show or franchise. That said, you can have it as part of your portfolio, along with things like teaching (I teach drawing at Parsons School of Design in NYC), lecturing, animation, illustration, work-for-hire comics. For myself, I have also been fortunate enough, until recently, to work in family businesses. {{{Self-publishing}}} {{Who / how was your first contact in the self-publishing scene?}} There was a crew of folks: Robbie Busch, Stephen DeStefano, Evan Dorkin, Mark Badger and Kyle Baker. They had a gang (Robbie was a high school friend who introduced me to the rest), and they tolerated me as a mascot on most days. We self-published a Xeroxed anthology titled Toy Piano. Later they did a mini-series for Dark Horse comics, Instant Piano, that they let me desecrate a page in in the final issue. Find it, there is some serious early 1990’s alternative cartooning going on in those issues. {{Why did you decide to self-publish?}} DIY or Die! It was the only way to get personal work out in the beginning. When you figure out all you need is a Xerox machine or silkscreen (or color printer/Risograph these days), the world is yours. Do what you want, when you want. {{What is for you the best part in self-publishing? Making the story, making the book, meeting with the audience, participating in a community?}} As much as I love drawing, that is the absolute hardest part, of course! Honestly, before I begin drawing I envisage what the book’s format will be: accordion, saddle stitch, one-page folded, silkscreen, whatever. After the drawing, I love the relative meditation of engineering, printing and assembling the book. {{What is your best self-publishing experience?}} That would have to be MoCCA Arts Fest in 2013. I made an oversized (approximately 25x38cm) 20-page “mini-comic” called B+F for the show. It won the festival’s Award of Excellence from the Society of Illustrators. Chris Pitzer of Adhouse Books was tabling across the aisle from me at the show. We had been trying to do a project together for years and he graciously added B+F to his roster. I had always planned to continue the story, so we agreed to do an expanded version together. Chris told Serge Ewenczyk of Editions çà et là about it, and Serge was very kind to take B+F for his imprint as well. {{Does self-publishing make you lose money, do you make a profit, or do you simply break even?}} Taking it over a lifetime, it is probably just about break even. But it depends on the year and the project. These days at festivals I usually make back my expenses at least, or buy the baby a new pair of shoes at most. {{What role do comics conventions play in your self-publishing practice?}} I try to have something new for each show. If I can’t get a mini-comic done for it, I will at least make a portfolio or postcards or pins… something related to my comix, though. {{Do you keep an archive of your fanzines? How do you preserve them?}} I do not have a good archive of my mini-comics. If I sell out at a show, I don’t always save a copy for myself. {{Where do you print your fanzines? Do you go through a printer or at a copy shop?}} I try to print and assemble the books myself in my studio. There are times when I will send them to a printing house. For example, the book CROMAG that is in the exhibit is in the format of a children’s board book. I wouldn’t be able to make that myself, so the plan all along was to send it out to be made. {{Do you read a lot of zines and mini-comics?}} I trade for a lot of mini-comics at shows and I enjoy all of them! {{Do you think that your self-publishing practice is related to your location? How does it fit (or not) in the organization of the comics market in the USA? }} In my experience there is little room for self-published comics and zines in the traditional hierarchy of mainstream comics and comic shops nationwide, but that is to be expected. Thankfully in NYC there are several stores that embrace the genre and are very supportive. {{{Edition}}} {{Who was your first publisher? Did they know your work through self-publishing?}} My first printed comics work was in World War 3 Illustrated. I was an art assistant to cartoonist/illustrator Peter Kuper. He took me under his wing and gave me the opportunity to publish it the political comix anthology. When I interviewed for the position with Peter, much of the work I showed him was mini-comics, as well as illustration I’d done for newspapers in Prague and one each from The New York Times and The Village Voice that I’d had published at that point. Shortly thereafter I started working for DC Comics on their Big Book non-fiction series. I got that gig by showing the editors mini-comics, some work for World War 3 Illustrated and illustration. My first comic book HUMMINGBIRD was published by Slave Labor Graphics in 1996. {{Have you continued to self-publish since? Why?}} It all begins from a place of creating these books just for fun, really. I don’t have much expectation for them otherwise. {{Will you continue to self-publish in the next few years?}} Absolutely. {{How have you handled the transition of your works from mini-comics to books, in terms of format and reassembling? How do you see the relationship between both objects?}} I try to bring my aesthetic from one to the other. I have an idiosyncratic style, so I don’t think I can keep it from bleeding through all disciplines. {{{The exhibition}}} {{Can you tell us something about the work that can be seen in theexhibition?}} All of this work was done for the love of comix, art and the need to create something. Whether it finds an audience was not an overriding concern for me, though naturally I always hope people enjoy the work. The pages that are on display from FORCE OF NATURE and the first “mini-comic” of B+F were self-generated assignments. The important thing is getting the idea out of my head and out of the studio. I venture to guess this is a common thread among many of the artists in the show.