Interview de Liz Prince
Biographie
● Où êtes-vous née et où vivez-vous actuellement ? Avez-vous déménagé à d’autres endroits importants entre les deux ?
Je suis née à Cambridge (Massachusetts) en 1981. Ma famille a déménagé à Santa Fe (Nouveau Mexique) en 1987, et je suis retournée dans la région de Boston en 2002 pour aller à l’école du Musée des Beaux-Arts. En 2016, mon mari et moi avons quitté le Massachusetts pour emménager à deux heures, au nord de Portland, dans le Maine.
● Quelles sont les structures de la "small press" et les autres maisons d’édition plus installées avec lesquelles vous avez collaboré / Est-ce que vous vous êtes auto-publiée sous votre nom ou en utilisant un label ?
J’ai fait beaucoup d’auto-édition, mais sans créer de maison d’édition ou de label, et tous les livres qui ont été publiés par Top Shelf Productions sont des recueils de bandes dessinées que j’ai à l’origine auto-publiées. Zest Books, un petit éditeur de littérature, a sorti mon roman graphique "Tomboy" en 2014 et, en 2016, j’ai réalisé mon premier recueil de bandes dessinées avec un éditeur indépendant de San Francisco, Silver Sprocket Bicycle Club.
● Comment avez-vous appris à être dessinatrice ?
En regardant des dessins animés et en lisant des bandes dessinées, puis en dessinant les miennes !
● Vivez-vous de votre art, sinon comment gagnez-vous votre vie ?
Je gagne ma vie grâce à mon art, mais cela a impliqué des sacrifices tels que déménager dans une ville plus abordable pour mon maigre revenu d’artiste. Les dessinateurs travaillent généralement plus de 60 heures par semaine, avec une stabilité financière moindre et aucun des avantages accordés à des employés, comme l’assurance maladie. Ce n’est pas un métier à choisir sur un coup de tête, ça c’est sûr !
Auto-édition
● Qui / comment a été votre premier contact sur la scène de l’auto-édition ?
J’ai grandi au sein de la scène punk DIY (Do It Yourself) de Santa Fe, et les zines auto-publiés en représentaient une grande partie. Mon amie Molly avait installé une exposition de zines dans notre centre artistique quand nous étions ados et je l’ai aidée à tout cataloguer, ce qui a été ma première expérience pratique avec le médium.
● Pourquoi avez-vous décidé de publier vous-même ?
Parce que je voulais faire ma propre bande dessinée et que c’était la façon la plus punk de le faire !
● Quel est pour vous le meilleur rôle dans l’auto-édition ? Concevoir l’histoire, faire le livre, rencontrer le public, participer à une communauté ?
En dépit d’avoir une carrière d’autrice publiée depuis plus de dix ans, l’auto-édition reste ma méthode préférée pour rendre public un livre. J’aime avoir un contrôle absolu sur la taille, le format, la longueur et le contenu d’un livre : l’édition traditionnelle a des normes de taille et de nombre de pages à prendre en compte, ainsi que beaucoup de stratégie marketing pour un design de couverture qui peut vous donner envie de vous arracher les cheveux. Rien de tout cela n’existe dans l’auto-édition !
● Quelle est votre meilleure expérience d’auto-édition ?
Je suis actuellement en train de publier mensuellement des recueils de petits récits du quotidien pour les personnes qui s’abonnent à mon Patreon (www.patreon.com/lizprince), et je ne me suis sans doute jamais autant amusé à publier mes propres livres. Pour chaque livre, je conçois une couverture qui reflète quelque chose qui s’est passé au cours du mois, et je peux envoyer les bandes dessinées résultantes par la poste directement aux gens qui veulent les lire !
● Est-ce que l’auto-édition vous fait perdre de l’argent, faites-vous un profit ou êtes-vous simplement rentable ?
Je gagne de l’argent avec l’auto-édition depuis un certain temps déjà, mais Patreon a certainement rationalisé le processus.
● Quel rôle jouent les conventions de bande dessinée dans votre pratique d’auto-édition ?
Au début de ma carrière, les conventions étaient l’élément le plus important du casse-tête de l’auto-promotion : maintenant que je suis plus établie en tant qu’autrice et que mon lectorat existe, je dépend beaucoup moins des conventions pour que mon travail soit vu. Je ne fais plus que des conventions auxquelles je suis invitée ou si j’ai un nouveau livre, publié par un éditeur traditionnel, à promouvoir.
● Gardez-vous des archives de vos fanzines ? Comment les préservez-vous ?
J’ai une copie de toutes mes bandes dessinées auto-éditées : je les garde dans des porte-revues en carton, de la même manière que je stocke les livres auto-publiés par d’autres artistes que je collectionne.
● Où imprimez-vous vos fanzines ? Vous passez par une imprimante ou un magasin de copie ?
Tous mes livres auto-édités sont imprimés sur une photocopieuse. J’avais l’habitude de les photocopier moi-même lorsque j’avais accès à des photocopieurs à l’école, mais maintenant j’utilise une boutique de reprographie locale à Portland, dans le Maine.
● Lis-tu beaucoup de zines et de mini-bandes dessinées ?
Oui ! Mon mari pense qu’il y a un problème, avec la quantité de bandes dessinées, de zines et de livres que j’achète tous les mois et il a probablement raison, mais j’aime rester au courant de ce qui est publié.
● Pensez-vous que votre pratique d’auto-édition est liée à l’endroit où vous vivez ? Comment cela correspond-il (ou pas) à l’organisation du marché de la bande dessinée aux États-Unis ?
Ma pratique de l’auto-édition n’a jamais vraiment eu de rapport avec ma vie en particulier. En fait, l’auto-édition semble être le moyen idéal pour diffuser votre travail, peu importe où vous vivez (vous vivez au milieu des bois à écrire des manifestes ? L’auto-édition est pour vous !) Et surtout, grâce à l’abonnement via Patreon, l’endroit où je suis, n’a plus aucune incidence sur ma capacité à mettre les livres entre les mains de mes lecteurs.
Édition
● Qui était votre premier éditeur ? Connaissaient-ils votre travail grâce à l’auto-édition ?
Mon premier éditeur a été Top Shelf Productions : ils ont publié cinq de mes livres à ce jour, et ce sont tous des recueils de bandes dessinées qui avaient été à l’origine auto-publiées. J’ai attiré leur attention sur le projet "Est-ce que tu m’aimeras encore si je fais pipi au lit ?" en leur envoyant une copie du mini-comic auto-publié et en leur demandant s’ils voulaient le publier : ils ont dit "oui" et le reste, c’est de l’histoire !
● Avez-vous continué à publier par vous-même depuis ? Pourquoi ?
Je suis toujours en train d’auto-éditer des recueils mensuels de mon journal en bande dessinée sur mon Patreon. J’adore avoir le contrôle du contenu, du design et de la taille de ces livres (ils font tous 18x8cm, avec un strip par page, et tiennent dans une enveloppe standard)
● Continuerez-vous à publier par vous-même au cours des prochaines années ?
Je prévois de poursuivre ma campagne sur Patreon le plus longtemps possible, oui !
● Comment avez-vous géré la transition de vos mini-bandes dessinées vers des livres, en termes de format et de remontage ? Comment voyez-vous la relation entre les deux objets ?
Heureusement pour moi, la mise en page de mes livres est effectuée par un graphiste chez l’éditeur, donc je n’ai pas à me soucier de cet aspect de la vie du livre. J’aborde la bande dessinée de la même manière pour mon travail auto-édité et mes romans graphiques plus longs : je dessine la bande dessinée que je veux dessiner et j’espère juste qu’elle trouvera son public ! J’aime tenir entre mes mains un de mes livres, bien imprimé en technique traditionnelle, et j’aime voir mon nom sur le dos des livres, mais je ressens le même sentiment de fierté lorsque je récupère un carton rempli de mes bandes dessinées mensuelles à la boutique de photocopies.
L’exposition
● Pouvez-vous nous parler du travail que l’on peut voir dans l’exposition ?
Vous pouvez voir plusieurs pages de mon roman graphique "Garçon Manqué", des pages de mon projet de journal en bande dessinée et d’autres pages (dont certaines inédites).
Vous pouvez également voir la version auto-publiée, en 2004, de "Tu m’aimeras encore si je fais pipi au lit ?" avec une couverture cousue à la main et le carnet original relié à la main où j’ai dessiné toutes les pages de ce livre. Et puis certains épisodes de ma série mensuelle.