Interview de Melissa Mendes
Biographie
Où êtes vous née et où vivez-vous aujourd’hui ?
Je suis née à Hancock, Massachusetts, États-Unis. Je suis allée à l’université à proximité, puis j’ai vécu un petit moment à Providence, Rhode Island. Je suis allée au Center for Cartoon Studies dans le Vermont, puis je suis retournée dane le Massachusetts avec Chuck Forsman, où nous vivons depuis 7 ans.
Quelles sont les maisons d’édition “small press” et plus officielles avec lesquelles vous avez collaboré ? Ou avez vous fait de l’auto-édition, avec un nom de structure ?
Je me suis publiée pendant un moment, puis Chuck m’a publié via Oily Comics. Alternative Comics a ensuite publié "Lou", une de mes séries d’Oily Comics. J’ai également travaillé avec Delebile en Italie et mon travail avec l’écrivaine Anne Elizabeth Moore a été publiée sur Truthout.com et par Microcosm. Je continue néanmoins à m’auto-publier.
Comment avez-vous appris votre métier d’auteur ?
Quand j’étais enfant, je lisais beaucoup de bandes dessinées dans le journal local. J’adorais Calvin et Hobbes, Foxtrot et Garfield. Je pense que lire beaucoup de ces bandes dessinées m’a aidée à apprendre. Lorsque j’étais au Hampshire College, je me suis naturellement orienté vers la bande dessinée, car j’étudiais en même temps la langue et les arts visuels. Puis j’ai appris l’existence du Center for Cartoon Studies au Vermont et lorsque j’ai rencontré les gens là-bas, je savais que c’était un endroit pour moi. Je pense que j’ai beaucoup appris en lisant des bandes dessinées, et en pratiquant sans jamais faire de trop longues pauses. C’est juste instinctif pour moi parce que mon cerveau fonctionne comme ça. Quand je pense aux histoires, elles sont presque toujours sous forme de bande dessinée.
Vivez-vous de votre art, sinon comment faites-vous pour tenir le coup ?
Nous vivons avec peu, donc je n’ai pas à gagner beaucoup d’argent pour survivre. Je gagne ma vie grâce à Patreon, un site Web où les gens versent un montant mensuel pour me permettre de travailler. Ça paie mon loyer. J’essaie aussi de compléter par des emplois indépendants, mon travail de journaliste avec Anne Elizabeth Moore, et en enseignant la bande dessinée ou l’art aux enfants.
Auto-édition
Par qui/comment s’est fait votre premier contact avec la scène de l’auto-édition ?
Mon tout premier contact a été mon ami Eric Hou, qui a publié lui-même ses bandes dessinées pendant que nous étions au collège. Il m’a inspiré pour mon propre travail auto-publié.
Pourquoi avez vous décidé de vous auto-éditer ?
J’étais pauvre et à l’université, c’était la seule chose possible. Et puis, je ne savais même pas si je pouvais vraiment être publiée par quelqu’un d’autre, alors j’ai pensé que je devais faire mon propre truc et voir ce qui se passerait. Je ne connaissais pas beaucoup d’autres auteurs à ce moment-là, alors j’ai dû me débrouiller toute seule. J’ai aussi beaucoup appris quand j’étais stagiaire au Centre for Cartoon Studies avant d’y être étudiante.
Quelle est la meilleure partie dans l’auto-édition ? Fabriquer le récit, fabriquer le livre, la rencontre avec le public, la participation à une communauté ?
Ce qui me plait, c’est le contrôle total sur tout le processus et puis aussi d’être mon propre patron. J’aime aussi la communauté de la bande dessinée à laquelle je pense réellement appartenir.
Quelle est votre meilleure expérience d’auto-édition ?
Chaque fois que mon travail touche vraiment quelqu’un et qu’il me le fait savoir. J’ai rencontré une femme, bibliothécaire et qui ne lit pas beaucoup de bandes dessinées, mais après avoir lu "The Weight", elle était tellement curieuse et enthousiaste à propos du livre que cela m’a fait me sentir vraiment bien et donné l’impression d’avoir fait quelque chose d’important. J’aime aussi apprendre aux enfants à se publier eux-mêmes et voir à quel point ils sont fiers d’avoir un livre qu’ils ont fait eux-mêmes.
Est-ce que l’auto-édition vous coûte de l’argent, vous rapporte, ou a un bénéfice nul ?
Je suis nulle en compta et ce genre de choses ! Je suis quasiment sûre que cela me coûte toujours de l’argent, mais de temps en temps, je rentre quand même dans mes frais.
Quel rôle joue les salons et les conventions de micro-édition dans votre pratique de l’auto-édition ?
Ma première véritable convention était SPX, il y a environ 10 ans, et voir tous ces autres artistes s’auto-publier m’a vraiment inspirée et poussée à travailler plus fort. Je suis toujours boostée en quittant une convention, après avoir été entourée de dessinateurs qui travaillent si dur.
Gardez vous une archive de vos fanzines ? Comment les conservez-vous ?
Je suis extrêmement désorganisée ! Je garde beaucoup de bandes dessinées, mais elles ne sont pas du tout archivées, elles sont, pour la plupart, simplement dans des boîtes.
Où imprimez-vous vos fanzines ? Est-ce que vous passez par un imprimeur ou chez un copy-shop ?
Nous imprimons et assemblons nos livres à la maison.
Est-ce que vous lisez beaucoup de zines et de mini-comics ?
J’avais l’habitude, mais malheureusement je ne lis plus vraiment de BD. Cela me manque cependant, je dois y revenir.
Est-ce que vous pensez que votre pratique de l’auto-édition est lié à votre situation géographique ? à l’organisation du marché de la bande dessinée aux USA ?
Je pense que nous n’allons plus trop à des conventions parce que nous vivons assez loin et je publie moins aussi pour cette raison. Mais il y a quelques personnes aux États-Unis qui travaillent en tant que distributeurs pour les petites labels et les personnes qui se sont auto-éditées, alors elles distribuent mes bandes dessinées dans des magasins aux États-Unis, ce qui est très utile.
Edition
Quel a été votre premier éditeur ? Connaissaient-ils votre travail grâce à l’auto-édition ?
Je suppose que Chuck, lorsqu’il dirigeait Oily Comics, était mon premier éditeur. Il connaissait mon travail grâce à l’auto-édition, et puis, comme vous le savez peut-être, il est devenu mon petit ami, haha. Mais je crois sincèrement qu’il n’aurait pas publié "Lou" s’il n’y croyait pas. Et grâce à lui, Alternative Comics est tombé sur mes bandes dessinées et les a publiées dans un livre.
Avez-vous continué à autopublier depuis ? Pourquoi ?
Oui, parce que j’aime tout contrôler et aussi parce que cela me permet de rester active dans la communauté de la bande dessinée. L’auto-édition me permet de me donner des deadlines plus fréquentes, ce qui m’aide à rester plus productive. Et aussi, cela m’aide à gagner un peu d’argent pendant que je travaille sur une série comme "The Weight", qui ne sera probablement pas compilée et publiée avant un certain temps.
Allez-vous continuer à auto-éditer dans les prochaines années ?
Oui. Je publie moi-même certaines choses exclusivement pour mes membres Patreon et je prévois de continuer aussi longtemps que possible. Et je veux aussi continuer à publier moi-même les chapitres de "The Weight" jusqu’à ce que j’aie fini le livre.
Pour vos livres qui sont passés de l’auto-édition à l’édition, quelles questions de remontage ou de format se sont posés ? Comment voyez-vous la relation entre les deux ?
Pour "Lou", j’ai revu l’ensemble du livre et j’ai réorganisé certains chapitres, j’ai aussi ajouté un tas de pages et comblé une partie du scénario. J’ai également pu redessiner quelques pages qui ne me satisfaisaient pas. C’était agréable de pouvoir revenir en arrière et de combler les lacunes et d’y penser comme un récit complet. Je considère le livre comme un objet fini, alors que les mini-comics sont plutôt un travail en cours.
L’exposition
Vous pouvez nous parler des travaux que l’on peut voir dans l’exposition ?
Ce sont des pages de "Lou" et de "The Weight". "Lou" a été publié dans "Oily Comics". L’histoire a été inspirée par ma propre enfance dans l’ouest rural du Massachusetts mais aussi par Chuck qui, adolescent, travaillait dans une pizzeria. Ce sont les premières pages du livre, où nous voyons Lou (elle me ressemble beaucoup) se battre avec son petit frère et créer des liens avec son frère aîné. J’ai une sœur et pas de frères, mais j’en ai toujours voulu un. "The Weight" est le projet sur lequel je travaille actuellement. C’est une saga familiale qui a été inspirée de la vie de mon défunt grand-père dans le nord de l’État de New York, vivant dans la pauvreté et avec un père violent. Il a écrit un court texte sur ses mémoires avant de mourir, avec beaucoup de détails sur son enfance. Le personnage principal, Edie, a environ 8 ans dans ces pages et vit dans un mobile home près d’une base aérienne de New York. Dans ses mémoires, l’une des histoires racontées par mon grand-père concernait la construction de pièges pour attraper des lapins avec ses amis. C’est ce qui a inspiré ces pages. Je regarde beaucoup les photos de la Farm Security Administration et d’autres photos en noir et blanc à titre de référence, et les lavis à l’encre que j’utilise, essayent d’imiter ce genre d’images.