Un étrange bâtiment au milieu d’une drôle de forêt où deux amis un peu trop curieux s’aventurent. Ils embarquent avec eux le lecteur dans une déambulation sombre et absurde.
« Les têtes de gras » sont des créatures au physique déroutant, des êtres de chair qui ne ressemblent à rien de concret et qui semblent avoir pour seule finalité de servir « d’êtres de compagnie » vers lesquels des personnes en détresse (malades ou dépressives, solitaires ou âgées) pourront diriger toute leur affection. Le remplaçant, idéal et bien plus pratique, des chiens, des chats ou des perruches. Ces têtes de gras sont élevées dans d’improbables bassins de liquide constitué de molécules génétiquement modifiées, de crachats... Le protagoniste principal, révolté par le destin de ces petites bêtes, décide d’agir et de faire sauter l’usine qui les abrite.
Michel Esselbrügge est le démiurge de cet univers si proche de notre monde mais où notre logique paraît anormale. Ce jeune dessinateur allemand, insuffle dans la bande dessinée actuelle un vent de renouveau : petit maître de l’irrationnel et de la ligne « punk » qu’il mélange dans le but d’exploiter une fiction onirique et poétique.
L’Usine à Têtes de Gras peut se lire comme une métaphore politico-sociale dans laquelle les affres de la solitude et de la disparition du lien social transparaîssent. C’est également tout un mode de production/consommation et de vie bourgeoise que des jeunes idéalistes et impulsifs veulent littéralement faire « exploser » ! Mais l’action politique et la révolution se font rarement sans dommages collatéraux...